Livres

Mathieu Blais
Le nouveau western

Cavale sauvage pour brûlot anarchiste, Mathieu Blais boute le feu au grand Nord canadien dans un road-trip poétique et «vénère».

Ils sont une poignée à «suer leur vie» dans les Concessions de la Compagnie pour l’exploitation du Nord. À planter des pousses d’épinette sous le joug d’un contremaître tyrannique qui les traite comme du bétail. Lorsqu’on retrouve pendu ce «patron comme il s’en est trop fait», les cinq gars et la Mélisse sautent dans le Ford Bronco avec des carabines et le sentiment «de vouloir, pour une fois, nous appartenir». C’est le début d’une cavale furieuse, sanglante, incendiaire. La première page de la légende de ceux qu’on appellera bientôt le «Gang du Nord».

Première oeuvre du poète et romancier montréalais Mathieu Blais à connaître une distribution chez nous, Brûler debout portehaut les couleurs de la langue québécoise. Portée à incandescence dans un mélange «de résine et de boucane», la prose crépite à chaque page, entre lyrisme poétique et prose combat. Inspirés par les légendes de l’Ouest (Butch Cassidy, Billy the Kid et consorts), ses anti-héros forment une confrérie d’hors-la-loi ivres de liberté. Rien n’arrête leur échappée sauvage, ni les shérifs ni la morale, tandis que braquages et cadavres s’amoncellent.

Ponctué de mouvements d’accalmie millimétrés au montage «cut», ce road-trip viscéral et anarchiste déploie par ailleurs un déluge de violence graphique. Les scènes d’action alternent entre ralentis à la Sam Peckinpah (The Wild Bunch), trip d’acide à la Natural Born Killers (Oliver Stone) et explosion paroxystique chère à Tarantino. En rage contre le petit quotidien et son «esti de croissance», ces punks des bois vont bouter le feu à la société de consommation (avec clin d’oeil aux films de zombies de Romero). Si elle patine parfois dans l’ornière de quelques redites, cette chevauchée indomptable impressionne par «sa carrure et sa parlure».

LIVRE / ROMAN

Brûler debout

de Mathieu Blais

Denoël. 272 p.