
Sylvain Prudhomme
Un air de famille
Sur les secrets de famille et les amours qui s’en vont de nous, Prudhomme interroge les ricochets de la mémoire avec son tact coutumier. « J’ai un peu résisté au début et puis je me suis mis à parler. »
Lors de l’enterrement du patriarche, un souvenir aiguillonne le narrateur-écrivain jusqu’à devenir une obsession. Pourquoi la passion du grand-père Malusci avec une Allemande au sortir de la guerre est-elle enfouie dans le cimetière des non-dits? De leur brève union bravant les interdits naquît un fils, absent des funérailles comme tous les autres jours de l’année. Pour redonner un nom, un métier, un visage au fils disparu dans les replis paresseux de la mémoire, l’écrivain épluche l’oignon caramélisé des secrets de famille. « Puisque depuis toujours dans l’ordre des familles le crime c’est de parler, jamais de se taire. » Sous la croque et le cru, le livre dévoile alors une seconde couche d’amertume : la séparation de l’écrivain et sa compagne, « d’un commun accord » comme il sied de dire.
Poétique et gravement léger, interrogant les ricochets de la mémoire, le livre progresse au fil de l’eau, dévoilant par touches l’ampleur de son geste romanesque. Pianissimo, avec cette pudeur rare qui nous est devenue coutumière, Prudhomme (Par les routes, prix Femina 2019) questionne l’adieu aux rituels du couple, les fantasmes d’amour déraisonnables, les rétrécissements de la vie. Puis, après une danse avec un poète suédois, nous dépose à quai : « Comme lavé. Neuf. Avec la vie entière ouverte devant moi. »
