Patrik Ouředník
Si c’est pas chouette
“L’avenir du monde n’est plus ce qu’il était. (…) un nouvel apprentissage avait vu le jour, qui consistait à enseigner aux gens ambitieux à s’exprimer comme des crétins, afin de devenir populaires et indispensables.” Pour le tchèque Patrik Ouředník, traducteur de Jarry, Queneau ou Beckett, la langue campe un témoin à charge (de dynamite) pour déboulonner la civilisation. Il faut compter une à deux générations pour que l’imbécilité s’installe définitivement.
Prenez Gaspard Boisvert, ex-conseiller du président américain le plus bête de l’histoire du pays (ce n’est quand même pas rien), devenu publicitaire pour Pernod-Ricard. Plongez-le dans le bain de la grande Histoire, celle de la guerre, ou bien dans une baignoire-sabot. Gaspard est-il soluble dans l’époque, son effervescence et, bon sang, est-il le petit-fils d’Adolf le Boche, plus habile assassin de tous les temps? Pour le découvrir, 111 chapitres, soit autant d’entrées que de fausses pistes, où Ouředník jongle entre l’histoire des religions, les crétins mous et les sanguinaires, les maladies du siècle que sont la dépression et les piètres écrivains.
Chez cet auteur de dictionnaires “non conventionnels”, traducteur en tchèque de Jarry, Queneau ou Beckett, la langue campe un témoin à charge (de dynamite) pour déboulonner une civilisation : la nôtre. Poursuivant le travail de compression encyclopédique déjà à l’oeuvre dans ‘Europeana. Une brève histoire du XXe siècle’, stéréotypes, idées reçues et tics langagiers sont rangés en ordre de bataille. S’agit-il d’une raillerie? Serait-on en train de se payer ma tête et, si oui, à combien démarre la mise à prix? S’interroge le lecteur à qui on ne la fait pas. On lui répondra que cet anti-roman féroce et inclassable est en vente libre au prix de 10 euros. “Si c’est pas chouette.”