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LAURE DESMAZIÈRES
LE GOUFFRE DES ELLIPSES

Une scénariste en proie aux affres de la création a un week-end pour réécrire les scènes clés d’un film. Sur l’écriture du réel, tenu de bout en bout, un premier roman palpitant.

Scénariste télé, consultante pitch pour le marketing, prof le soir, Manon écrit jour et nuit. Après sept ans passés sur ce premier film qu’elle espérait tant, elle apprend en plein tournage qu’elle a un week-end pour en transformer les scènes-clés. Une hérésie! « Oui, il faut couper. Mais où? »

Creusant la maturation d’un texte au travers d’une mise en abîme du travail de réécriture, on a craint un temps que Laure Desmazières engage son premier roman dans une ornière. Tout faux! Papillonnant entre réalisateur, actrice, régisseur, monteuse, son héroïne rumine les sacrifices, la précarisation du travail, les culs-de-sac, comme autant de remises en question constantes… Jouant les passe-murailles, s’infiltrant par le placard comme Dans la peau de John Malkovich, brisant le quatrième mur, Manon glisse entre les strates de souvenirs subjectifs… Jusqu’à exhumer du fossé d’oubli ce « petit noir sur la timeline », une agression sexuelle vécue enfant. « On l’a d’abord appelé agression, puis attouchement, puis viol. » Reposant sur un travail d’horlogerie vertigineux, cette master class sur l’écriture du réel et le gouffre des ellipses dissimule une porte dérobée derrière chaque chapitre. Gorgé de cinéma, c’est aussi un sacré hommage au Barton Fink des frères Cohen. « Je l’ai lu d’une traite, si je suis sincère. »

COUPEZ!, QUIDAM, 182 PAGES. PHOTO © CAROLINE DUBOIS.