
Emmanuel Venet
Trésors d’équilibriste
Rythmé par de courts chapitres tirés à quatre épingles, un recueil d’obstinations et de fragilités qui musarde, caracole et, mine de rien, s’élève au-dessus de la mêlée.
Connaissez-vous les loopings de Joseph de Cupertino, moine simplet du dix-septième siècle qui volait à reculons tel un colibri? Et quid des stigmates du Padre Pio, autre voltigeur mystique, ou de la diététique de Marthe Robin, championne de jeûne se nourrissant d’une hostie par jour depuis 1930? Ce sont là quelques-uns des prodiges où butine en préambule ce recueil fragmentaire gorgé d’érudition et de malice. Empruntant son titre à une formule extraite de la correspondance amoureuse de Freud (on laisse au lecteur le soin de la décacheter), comme pour mieux se mettre en route, ce « petit » livre bifurque à la recherche « de l’inconnu dans le familier et du familier dans l’inconnu ».
Après avoir écarté le rideau de brouillard des matins gris de l’enfance, son homélie de folklore chrétien, Emmanuel Venet poursuit l’éblouissement d’une sensualité primitive, itinéraire spirituel où la compagnie des poètes se révèle « d’une plus grande aide que Dieu dans les moments difficiles ». Évoquant Ferré, Apollinaire ou Glenn Gould, cousinant avec Pascal Quignard, Venet égrène toute une vie secrète, soit un chapelet d’obstinations intimes et quelques talismans chéris pour habiter le monde. Qu’il épingle en quelques traits ses racines familiales, son impossible métier de psychiatre ou le catéchisme de l’idéal amoureux, toujours l’auteur de Virgile s’en fout succombe aux tentations de la littérature.

LA LUMIÈRE, L’ENCRE ET L’USURE DU MOBILIER, GALLIMARD, 160 PAGES. PHOTO © FRANCESCA MANTOVANI